Au champ

Projet Ferti-Sol

Le projet Ferti-Sol a été initié fin 2016 par la Chambre d’Agriculture, dans le cadre du Réseau d’innovation et de transfert agricole (RITA) en canne à sucre de la Réunion.

1. CONTEXTE RÉUNIONNAIS
• Département insulaire à forte pression foncière
• Culture dominante : canne à sucre
• Forte dépendance aux fertilisants importés
• Importants gisements de fertilisants organiques produits localement

2. ENJEUX
• Favoriser une économie circulaire utilisatrice de fertilisants organiques locaux
• Préserver l’environnement et le potentiel agronomique des sols

3. FINALITÉS DU PROJET
• Réduire l’utilisation agricole de fertilisants importés
• Renforcer les synergies entre filières
• Optimiser le conseil technique en fertilisation
• Améliorer les pratiques et le savoir-faire des exploitants agricoles en fertilisation

4. OBJECTIFS
• Acquérir des références sur les effets agronomiques de la fertilisation de la canne à sucre avec des fertilisants organiques locaux
• Développer le savoir-faire sur leur utilisation
• Transférer ces connaissances et savoir-faire vers les agriculteurs, conseillers et partenaires

5. MODE OPERATOIRE
• Comparaison des effets agronomiques de 3 stratégies de fertilisation

A. Essais au champ, en vue d’acquérir des références techniques et d’améliorer le conseil en fertilisation

2 sites d’essai : Est et Ouest de l’île
• Chaque site comprend un dispositif d’essai en 3 blocs répétés 3 fois
• Chaque essai dure 6 ans (cycle de production de canne) à partir de la plantation, en 2016-2017
• Utilisation de Ferti-Run, outil informatique d’aide au dosage des fertilisants organiques
• Suivi agronomique annuel du sol et des fertilisants organiques épandus
• Comparaison des impacts des différents types de fertilisation sur le rendement et la richesse de la canne
• Analyse comparée des coûts

B. Valorisation, mutualisation et partage des références, connaissances et savoir-faire

Destinataires : agriculteurs, conseillers agricoles, formateurs, pouvoirs publics, instituts techniques, organismes de recherche

Comité de suivi

Réseaux dans lesquels s’inscrit le projet

Le projet Ferti-Sol bénéficie du concours financier de :

Essais en plein champ chez des agriculteurs

La Chambre d’agriculture, via la Mission de valorisation agricole des déchets (MVAD de la Réunion), a mené durant 8 ans (1997-2005) des essais de fertilisation au champ chez des agriculteurs de l’île.

Ces essais ont permis la comparaison des effets agronomiques d’une fertilisation mixte (matière organique + complément minéral) à ceux d’une fertilisation minérale, sur une culture et un sol donné. Les agriculteurs ont été associés à la démarche par des échanges sur la thématique et la visite de sites d’essai. Des références ont été produites, afin de formuler des recommandations (choix de la matière organique, calcul des doses à apporter en fonction de la culture et du sol, …) à l’attention des agriculteurs. Un des effet positif attendu a été la diminution des risques de pollution de l’environnement, grâce à l’amélioration des pratiques de fertilisation des agriculteurs.

Les dernières expérimentations au champ ont été les suivantes :

Fertilisation mixte de parcelles cultvées en canne à sucre : boue d’épuration urbaine

Boue de station d’épuration urbaine et engrais : essai comparatif de fertilisation sur une culture de canne à sucre, Chambre d’agriculture (Mvad), avril 2006, 48 p. + synthèse de 4p. + fiche du Réseau PRO

Commune : Saint-Pierre

La production de boue provenant du traitement des eaux usées est en constante augmentation à La Réunion. Si une valorisation agricole de ces boues d’épuration urbaines était envisagée, se poserait le problème du respect de la législation nationale sur l’épandage des boues. En effet, cette dernière ne permet pas l’épandage de boues sur des sols qui sont très acides et très riches en éléments traces métalliques (ETM), ce qui est le cas des sols réunionnais.

L’impact de la fertilisation mixte avec de la boue d’épuration et un complément d’engrais minéral a été comparé à celui d’une fertilisation uniquement minérale, en canne à sucre. Nous avons étudié l’évolution des caractéristiques agronomiques du sol, des rendements et de la richesse en sucre de la canne, et des teneurs en ETM du sol et de la canne. Une comparaison des coûts liés à l’épandage des boues à ceux liés à une fertilisation minérale traditionnelle (apport d’engrais chimique) a également été réalisée.

Pour atteindre ces objectifs, nous avons conçu puis mis en place un dispositif expérimental au champ. L’expérimentation, d’une durée de deux ans, nous a permis de suivre quatre parcelles cultivées en canne à sucre, sur un site.

Après deux années d’épandage de boue d’épuration, aucun impact défavorable n’a été observé sur les caractéristiques agronomiques et les teneurs en éléments traces métalliques (ETM) du sol. Les rendements et la richesse de la canne ont été équivalents pour les traitements boue et engrais. Néanmoins, un complément minéral potassique a été apporté pour satisfaire les besoins de la culture en cet élément car les boues en sont dépourvues. Les concentrations en ETM de la canne à sucre (dans le jus, les feuilles ou la bagasse) ont été très faibles, quel que soit le traitement fertilisant. Enfin, l’étude comparative des coûts a révélé que l’épandage de boue sur un sol cultivé revient plus cher à l’agriculteur qu’une fertilisation traditionnelle. Afin de diminuer ces coûts et donc de rendre intéressant cet épandage pour l’agriculteur, nous avons proposé de répartir les charges relatives à l’épandage et à l’analyse des sols entre le producteur de boue et celui-ci, comme cela se fait en France métropolitaine.

Ces résultats obtenus après deux années de suivi au champ ont permis uniquement d’observer les effets à court terme de l’utilisation des boues d’épuration urbaine sur un sol cultivé en canne à sucre. Il serait intéressant de mener ce type d’essai sur une période de 5 à 6 ans.

A partir de cet essai au champ, deux études sur les ETM ont été réalisées :

  • Eléments Traces Métalliques : Spéciation des ETM dans un sol amendé avec des boues d’épuration, (CA/Mvad – Cirad) E. Doelsch, mars 2006, 25 p.
  • Eléments traces métalliques : Impact de l’épandage d’une boue d’épuration sur la mobilité et la spéciation des ETM d’un andosol (CA/Mvad – Cirad), E. Doelsch, F. Feder, A. Findeling, Y. Duval. mars 2005, 103 p.

Fertilisation mixte de parcelles cultivées en canne à sucre : lisier de porc

Lisier de bovin et engrais : essai comparatif de fertilisation sur une culture de canne à sucre, Chambre d’agriculture (Mvad), avril 2006, 28 p. hors annexes. + Synthèse de 4p. + fiche du Réseau PRO

Communes : Saint-Joseph, Le Tampon

À La Réunion, la production d’effluents d’élevages étant en augmentation, la culture de canne à sucre est de plus en plus visée pour recycler et valoriser ces déchets organiques. L’objectif de cet essai a été de comparer, en canne à sucre, la valeur agronomique d’un lisier de bovin par rapport à un engrais chimique. Nous avons étudié l’évolution des rendements et de la richesse de la canne et suivi l’évolution des propriétés agronomique des sols.

L’essai au champ a été mené sur trois sites : deux à Saint-Joseph (andosol) et un au Tampon (sol brun andique). L’expérimentation, d’une durée de 3 ans, a consisté, pour chaque site, en un suivi de quatre parcelles cultivées en canne à sucre sur lesquelles les effets agronomiques d’un lisier de bovin et d’un engrais ont été comparés.

Sur les trois sites :

  • les rendements des parcelles fertilisées avec du lisier sont inférieurs de 5 à 20 % à ceux des parcelles fertilisées avec un engrais ;
  • la richesse en sucre des cannes des parcelles lisier est équivalente à celle des parcelles engrais.

Selon le site, les caractéristiques agronomiques du sol des parcelles lisier et engrais ne présentent pas de différence significative. Enfin, uniquement sur les parcelles fertilisées avec du lisier, nous avons constaté une légère augmentation du pH du sol au bout de 3 ans. Ces résultats obtenus sur trois années d’essai au champ n’ont permis que d’observer les effets à court terme de l’utilisation d’un lisier de bovin sur un sol cultivé en canne à sucre. Ces premiers résultats devraient être confirmés par d’autres études menées sur des durées plus importantes. Nous serions alors en mesure d’évaluer les effets (économiques, agronomiques, et environnementaux) d’apports réguliers de lisier de bovins en canne à sucre.

Fertilisation mixte de parcelles cultivées en maraîchage

  • Fumier de bovin, fiente de poule séchée et engrais : essai comparatif de fertilisation d’une culture de laitue, Chambre d’agriculture (Mvad), années 2003 et 2004, 36 p. + synthèse de 4 p. + fiche du Réseau PRO

Commune : Saint-Denis (La Bretagne)

Afin de permettre aux maraîchers de la Réunion de s’approprier le raisonnement de la fertilisation de leur culture de laitues, la Mission de Valorisation Agricole des Déchets (MVAD) de la Chambre d’Agriculture a réalisé un essai au champ, en 2003 et 2004. Cet essai visait à comparer l’efficacité de la fiente de poule séchée à celle du fumier de bœuf et de l’engrais minéral et d’arriver à une fertilisation raisonnée d’une culture de salades.

Après trois cycles de fertilisation de la culture selon la méthode de fertilisation de l’agriculteur, nous avons mis en place un nouveau plan de fumure, à savoir l’apport de quantités moins importantes de fertilisants (organiques et minéraux), en essayant de respecter les préconisations d’apports de 100 kg/ha d’azote par cycle.

L’apport de matière organique exogène a un effet positif sur le sol. En effet, les résultats ont montré un effet bénéfique de la fertilisation organique sur le pH, les teneurs en magnésium, calcium, la capacité d’échanges cationique du sol et sa teneur en matière organique. La pente du site semble avoir eu un effet sur la teneur en phosphore, en azote et en potassium du sol avec une migration vers le bas de la pente. Pour autant, elle ne semble pas avoir eu d’effet sur la teneur en magnésium du sol et le rendement des salades.

Les résultats montrent que le fait d’avoir diminué la fertilisation de façon importante n’a pas eu pour effet de diminuer le poids moyen des salades. Par ailleurs, les salades cultivées sur des parcelles fertilisées avec de la matière organique ont été plus pommées.

Afin de garantir la sécurité des consommateurs, des analyses de taux de nitrates dans les salades ont été réalisées. Les résultats étaient conformes à la réglementation. Des analyses de salmonelles ont été également réalisées sur les salades et sur la fiente de poule. Une salmonelle mineure a été détectée sur la fiente de poule et aucune sur la salade. Un compostage de la fiente séchée permettrait d’éliminer le risque lié à la présence de salmonelles.

La diminution des quantités de fertilisants apportées à la culture, a permis à l’agriculteur d’économiser de l’ordre de 60 à 75 % de ses coûts initiaux.

La Chambre d’agriculture (Mvad) a pu montrer, dans le cadre de cet essai, qu’il était possible de mettre en place une fertilisation raisonnée en maraîchage, sur une culture de salades. Il serait intéressant de répéter ce type d’expérimentation chez d’autres agriculteurs et de faire varier les cultures maraîchères.

Des visites au champ du site expérimental ont été organisées, notamment avec les agriculteurs de la zone, afin d’assurer le transfert de connaissances et de partager le savoir-faire de l’agriculteur qui a participé à l’essai.

  • Eléments traces métalliques – Evaluation de la biodisponibilité des ETM vis-à-vis de différents organes végétaux (racine, feuille, fruit) par des essais de cultures maraîchères. CIRAD-MVAD, E. Doelsch, 2006, 42 p.

Commune : Trois-Bassins

Les éléments traces métalliques (ETM) sont des éléments potentiellement toxiques. La richesse des sols réunionnais en certains d’entre eux impose de prêter attention aux risques de transfert de ces éléments vers la chaîne alimentaire. C’est pourquoi, un essai de cultures maraîchères, fortement accumulatrices en ETM, a été conduit aux Colimaçons (station CIRAD). Des matières organiques (compost de lisier de porc, compost de fiente de volaille) et de l’engrais chimique y ont servi à fertiliser des cultures de chou, carotte, haricot, tomate et laitue.

Cet essai a permis de montrer que la laitue est l’espèce qui absorbe les quantités les plus importantes en ETM. Même si les teneurs mesurées pour la laitue sont supérieures à celles publiées dans la littérature scientifique, les concentrations en Cd et Pb sont très nettement inférieures aux concentrations maximales réglementaires, quel que soit l’espèce végétale considérée. Grâce au calcul de l’indice de bioaccumulation, nous avons pu montrer que l’accumulation des ETM dans les végétaux n’est pas comparable mais suit l’ordre suivant : Cd>Zn>Cu>Ni.

Les concentrations en ETM des organes que nous consommons sont toujours inférieures aux autres organes, à l’exception des laitues. Suite à ce premier cycle cultural, nous n’avons pas pu mettre en évidence d’influence du type de fertilisation sur les teneurs en ETM des végétaux récoltés. 

En 2014, le Cirad poursuit encore cet essai au champ.

Fertilisation mixte de parcelles cultivées en caféiers

Lisier de bovin et engrais : essai comparatif de fertilisation sur une culture de caféiers, avril 2006, 33 p. + synthèse de 4p. + fiche du Réseau PRO

Commune : Trois-Bassins Parmi les cultures de diversification, une production à forte valeur ajoutée comme celle d’un café gourmet pourrait améliorer le revenu des agriculteurs. C’est ce qu’a cherché à démontrer le programme d’expérimentation préalable à la création d’une filière café bourbon pointu.

L’objectif de cet essai mené par la Chambre d’agriculture, avec l’appui du Cirad, a été d’acquérir des références techniques et de formuler des conseils en fertilisation aux caféiculteurs.

L’expérimentation au champ, qui a duré deux ans, a consisté en la mise en place et le suivi d’une culture de jeunes caféiers sur laquelle divers types de fertilisants ont été apportés (lisier de bovin et engrais minéral). La croissance des caféiers a été déterminée sur base des mesures de hauteur et de diamètre de la tige principale des caféiers. L’essai s’est déroulé sur un andosol des hauts de l’ouest, à Trois-Bassins.

Aucune différence significative de croissance n’a été constatée entre les caféiers fertilisés avec le lisier de bovin et ceux fertilisés avec un engrais. L’apport de lisier sur l’andosol cultivé des Trois-Bassins n’a pas entraîné de variation significative des teneurs en éléments nutritifs du sol. D’une façon générale, l’épandage de lisier bovin n’a pas entraîné d’effet négatif sur les propriétés physico-chimiques des sols. L’essai de fertilisation mis en place sur la culture tout juste implantée de jeunes caféiers et son suivi durant deux années, nous ont permis de constater l’innocuité du lisier de bovin lorsqu’il est apporté sur un sol cultivé. Nous n’avons pas eu la possibilité d’étudier l’impact des différents types de fertilisants sur les rendements des caféiers puisqu’il faut au moins deux ans et demi pour avoir une première récolte de fruits. Il aurait été intéressant de poursuivre l’expérimentation jusqu’après la deuxième récolte significative des caféiers pour pouvoir conseiller les planteurs de caféiers quant à l’utilisation de matières organiques.

Les rapports de ces expérimentations sont publics et disponibles à la MVAD.